L’AUTISME

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Une étude américaine menée par le neuroscientifique Joseph Piven de l’université de Caroline du Nord, révèle des différences cérébrales entre les cerveaux d’enfants à risque d’autisme ou non, et cela dès 6 mois. Son équipe a soumis 92 enfants de 6, 12 et 24 mois à des examens d’imagerie cérébrale et découvert des différences dans le développement de la matière blanche, riche en fibres nerveuses et utile au transfert de l’information entre les différentes zones du cerveau.

Vingt-huit des enfants de 2 ans présentaient des troubles du spectre autistique : en reconstruisant en trois dimensions la forme de leur matière blanche on s’est aperçu qu’entre 6 et 24 mois elle s’était développée plus lentement chez eux que chez les autres enfants.

Une perception différente, un comportement différent

L’atrophie ou le sous-développement de la matière blanche, grande responsable de la transmission d’informations entre les zones cérébrales, signifie qu’il y a désagrégation ou fragmenta­tion de la perception. Ceci est à l’origine de nombreux symptômes de certaines grandes maladies qui relèvent aussi bien de la psychiatrie que de la neurologie.

Je souhaiterais à ce sujet présenter quelques réflexions sur l’autisme. L’autisme est une maladie du développe­ment dont l’origine reste inconnue et qui frappe de très jeunes enfants. Les symptômes principaux en sont d’abord une altération qualitative de l’interaction sociale : l’enfant ne regarde pas son interlocuteur ; placé dans un groupe, son regard ne se dirige pas vers les activités et les membres du groupe. Son comportement l’isole.

Il présente ensuite des altérations de la communication : il ne parle pratiquement pas, n’échange pas de sourires et ne répond pas à des mimiques qui expriment des émotions. Enfin, il adopte des comportements stéréotypés qu’il répète inlassable­ment hors de tout contexte social ou même de tout rapport avec l’activité dans laquelle il est engagé. Il a donc un syndrome de per­sévération, ce qui signifie que son comportement demeurera même s’il n’est plus motivé par une cause physiologique ou mécanique.

C’est à ce stade qu’une amélioration des comportements peut être envisagée. Dans les années 90 j’eu l’occasion de travailler avec de jeunes autistes au Jewish General Hospital de Montréal. La technique de Neuro-Coaching semblait pouvoir apporter des améliorations. Hélas, à cette époque, le puissant lobby des psychanalystes orientait davantage vers la responsabilisation des mères d’enfants autistes et je n’ai pu continuer mes recherches dans ce domaine en milieu clinique. À cette époque les psychiatres avaient deux alternatives : la médication et/ou la recommandation de la psychanalyse. Les neurosciences devraient aujourd’hui permettre l’avènement de méthodes plus adaptées.

Les troubles de l’action

L’autiste a également des troubles de l’initiation de l’action et, plus généralement, de l’intention. Il présente, comme les malades parkinsoniens, un gel de l’initiation de certaines actions. Par « gel », il faut entendre qu’il est très capable de faire le mouvement, mais qu’il ne se décide pas à commencer.

De façon plus générale, il a des troubles de l’anticipation de la main non moteurs puisque s’il engage soudain la main dans une action, le tonus revient.

Il a des troubles visuels et auditifs. Certains de ces enfants peuvent être classés dans des sous-groupes qui pré­sentent, à un degré moindre, certains symptômes.

Il est possible de rapprocher ces symptômes de plusieurs types de dysfonctionnements dont l’absence de posture et de synergie d’antici­pation, les troubles de l’intention motrice et la persévération des déficits préfrontaux. Mais il est aussi possible que ces troubles aient une origine commune dans un déficit consistant en ceci que ces enfants ont une impossibilité de replacer les aspects locaux de leur action dans un contexte global.

L’absence de cohérence

L’on constate, chez le jeune autiste une désagrégation de la cohérence ou plus exactement le développement d’une « cohérence locale ».

Utah Fritz, dans L’énigme de l’autisme cite, par exemple, le cas de la jeune Elly. Elle avait construit un système de détermination de l’heure fondé sur l’ombre que son corps projetait au soleil : « Cet exemple suggère qu’Elly savait déterminer la position du soleil à un moment donné, d’après la longueur de l’ombre projetée par son corps ; bien que limité, le procédé était donc cohérent. Les disparités imprévues comptaient beaucoup pour elle car la cohérence du procédé devait être sauvegardée. Ce désir insistant d’immuabilité constitue une sorte de cohérence locale qui n’a rien à voir avec la cohérence cen­trale. » Cet exemple est, à mon avis, très intéressant, car Elly dis­posait d’un procédé mais avait beaucoup de mal à le placer dans un contexte plus général, par exemple, considérer des changements de fuseaux horaires.

Cohérence et décision

Il est intéressant de savoir que les études de psychologie cognitive sur le problème de la décision montrent que notre appareil cognitif fait de nombreuses erreurs, dues en grande partie à l’inca­pacité que nous avons à sortir de schémas stéréotypés, ayant ce qu’Uta Frith appellerait une cohérence « locale », que nous avons du mal à réviser en fonction du contexte. La persévération des enfants autistes, leur immuabilité n’est peut-être qu’une version extrême de bien des comportements très répandus.

Il est à craindre que la multiplicité et l’instantanéité des stimuli générés par les systèmes de communication actuels, finisse par générer, chez l’être humain, des comportements s’apparentant à une forme d’autisme.

La cohérence est nécessaire non seulement pour construire une perception du corps propre ou de ses relations avec l’environ­nement, mais aussi pour élaborer ce qu’on appelle une « théorie de l’esprit ». Cette notion a été définie par les psychologues pour dési­gner le fait que nous attribuons des pensées aux autres, que nous avons une idée, une théorie de ce qu’ils ont dans l’esprit, de leurs intentions, etc. Cette capacité d’attribuer des pensées aux autres est présente chez le primate non humain, les exemples fourmillent à ce sujet.

Pas de théorie de l’esprit

Nous avons postulé que les enfants autistes n’ont pas cette propension naturelle à regrouper de façon cohérente de vastes quantités d’information concernant les événements, les objets, les gens et les comportements. Ainsi, même s’ils disposaient des pré­misses cognitives leur permettant de mentaliser, ils ne construi­raient que de “petites » théories sur les états mentaux, et non une théorie globale de la pensée. Les enfants autistes sont des béhavioristes. Ils ne s’attendent pas à ce que les gens soient gentils ou cruels. Ils prennent les comportements tels quels.

Ainsi, si l’enfant autiste n’a pas de représentation cohérente du monde, il ne peut pas construire une « théorie de l’esprit » de l’autre et donc communiquer avec lui. Il n’est certainement pas possible de construire une hypothèse interne de l’intention de l’autre si l’on n’a pas réussi à rendre cohérente la perception des relations de son propre corps avec l’environnement et avec toute les informations qu’il contient.

© copyright Guy Hauray, Dr

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