Choisir de côtoyer la mort

helene giroux 01J’accompagne des mourants et cette vocation me passionne !

Cette déclaration fait réagir autour de moi, car la mort est encore un sujet tabou que peu de gens osent ouvertement aborder.

Étrange tout de même cette constatation puisque nous sommes tous confrontés à cette réalité un moment ou l’autre de notre existence et qu’elle est inscrite dans notre plan de vie dès la naissance. Nous aurions donc nécessairement tout intérêt à l’apprivoiser, à aborder le sujet et à l’intégrer à la réalité de l’être humain qui est mortel et dont la vie comme toute chose a un début et une fin.

Cet inconfort chez les gens est la principale raison pour laquelle je choisis de partager mon quotidien d’accompagnatrice. Je réalise qu’il y a beaucoup à enseigner concernant cette dernière étape de notre parcours terrestre. Puisque la plupart des gens évitent à tout prix le sujet, ils n’ont pas la possibilité de se familiariser avec toutes les transformations physiques et psychologiques qui s’opèrent chez une personne qui se prépare à mourir. Il est donc tout à fait normal d’avoir peur face à cet inconnu et de se sentir démuni dans de telles situations.

Par mon travail, j’ai appris que la mort au même niveau que tout ce qui se produit dans nos vies s’apprivoise. Qu’est-ce qu’on y gagne ? Beaucoup !

D’une part, accepter que notre vie et celle de nos proches a une fin donne plus de qualité à celle-ci car de la savoir fragile la rend nécessairement plus précieuse. Cela évite de prendre les choses et les gens pour acquis, nous permet de les apprécier davantage et d’avoir des rapports plus authentiques avec eux. D’avoir la conscience que tout peut disparaître demain nous permet aussi de demeurer davantage dans l’instant présent, ici et maintenant. Cela change donc considérablement nos rapports avec autrui et la qualité de notre présence.

Si les gens étaient mieux informés de tout le processus qui conduit à la mort, accompagner un proche qui se prépare à quitter cette vie, prendrait un tout autre sens. Cela diminuerait de beaucoup les angoisses et les inquiétudes, normales tout de même dans une telle situation, d’un corps qui se détériore et dont les besoins changent parfois même quotidiennement jusqu’au décès.

Suivre le rythme de la personne malade en serait facilité et réduirait passablement les épisodes de stress intense que vivent les proches face aux manifestations physiques qui annoncent que la mort est proche. Il ne s’agit pas d’éviter ou d’ignorer toute émotion qui pourrait se manifester…car se préparer à perdre une personne chère, à couper les liens physiques avec elle est sans contredit bouleversant et vivre de la tristesse est pratiquement incontournable dans les circonstances. Mais apprivoiser ces modifications physiques du corps mourant, sont en fait des repères qui aident autant les proches que les soignants à faire face à la mort qui approche, diminuant alors l’état de choc qui se vit habituellement.

L’homme vit tellement dans l’idée de l’immortalité sur le plan terrestre, que son déni face à la mort est très puissant dans sa manière de vivre. Beaucoup de gens que j’ai rencontré sont effrayés par les changements physiques qui s’opèrent chez la personne en train de mourir et évitent même son contact pour garder affirment-ils, un meilleur souvenir de leur proche. Cette façon de faire définie davantage un moyen de protection pour tenter de faire abstraction à ce qui se passe et éviter d’avoir mal.

Mais dans la réalité, les choses se passent différemment et à moins de se faire frapper en sortant de la maison, l’être humain ne meurt pas en bonne santé et son corps, comme une plante qui s’étiole, se détériore. Il est donc illusoire de croire que celui qui meurt n’aura aucune marque laissée par le passage de la maladie. Le corps humain est un formidable ordinateur, mais qui finit tout de même par se dérégler et par s’arrêter tout à fait de fonctionner.

Se priver d’offrir une présence chaleureuse et aimante dont le malade a vraiment besoin, particulièrement à cette étape charnière de son existence, simplement pour en garder une belle image est à mon sens d’une tristesse infinie. C’est continuer de se garder dans l’illusion de l’éternelle jeunesse.

Oui, cela fait mal de voir une personne que l’on aimait et connaissait changer d’apparence à l’approche de la mort, mais il ne faut surtout pas oublier que profondément enfouie sous ce véhicule que représente le corps, se trouve l’âme et l’essence même de celui ou celle que l’on a connu…

Pour poursuivre ces réflexions et apprivoiser davantage le sujet, j’ai écrit un livre actuellement disponible en librairie qui s’intitule, « Le privilège d’accompagner…..choisir de côtoyer la mort », aux Éditions La Plume d’Oie.

Hélène Giroux © 2013
hegir@hotmail.com
www.findevie.jimdo.com

Written by Helene Giroux